— Si vous restez là, dit Jimenez, à disserter paisiblement, c'est que vous savez quelque chose !
— C'est bien possible.
— J'en étais sûr !
— Cessez de crier ! Ce que je sais, c'est qu'il ne sert à rien de s'énerver.
— C'est tout ce que vous trouvez à dire ?
— Pour le moment.
— Vous ne cherchez pas à savoir qui était cette femme, comment cette porte...
— Pourquoi nous interroger inutilement ? Il nous manque trop d'éléments pour répondre.
— Ma parole, on dirait que vous êtes content de votre sort !
— Sûrement pas ! Nos méthodes diffèrent, voilà tout.
— Méthodes ? cria Jimenez. J'aimerais connaître la vôtre !
— Je patiente, au lieu de vouloir défoncer les murs, qui d'ailleurs n'existent pas.
— Et ça ne vous paraît pas absurde ?
— TOUT me paraît absurde. Ces fauteuils, cette porte, cette femme en gris, vous qui battez l'air devant moi depuis une heure... Tout est absurde. Voilà, vous êtes content ? Il n'y a rien à tirer de là. Attendons. Nous comprendrons plus tard.
— Nous comprendrons si nous voulons comprendre.
Jimenez s'était calmé subitement, comme sous l'effet d'une douche froide.
— IL semble vous donner raison, dit Jimenez.
Il y eut un silence.
— Pourtant, si nous laissons tout aller, personne ne viendra nous expliquer.
— Mais personne n'explique jamais rien, Jimenez, dit doucement Alfonso.
— Ah ! Ne me parlez pas comme à un enfant, en plus !
— Je suis sûr que tout s'éclairera en temps utile.
— C'est vous qui faites l'aveugle ! Je vous pose les seules questions importantes, et vous me dites d'attendre !
— Que voulez-vous faire d'autre ? Briser votre fauteuil ? Perdre une heure à chercher cette porte qui a disparu ?
— Agissons sur nous-mêmes, en existant !
— Voilà un beau programme !
— Vous n'avez pas l'air pressé de savoir... ou alors vous savez déjà...
— Quelle perspicacité ! Que faites-vous de plus que moi, à part bavarder ?
— Eh bien, agissons ensemble. Le plus urgent me paraît de savoir où nous sommes.
— Avant de savoir qui nous sommes ?
— Qu'importe ce que nous sommes ? Chacun de nous sait bien qui il est.
— Qu'importe cet endroit ? Ce que je suis, je peux l'être n'importe où.
— Mais je ne veux pas être n'importe où !
— Parce que vous savez qui vous êtes, et que vous en avez peur !
— Et que vous savez où nous sommes, et ne voulez pas le dire !
— Je croyais le savoir tout à l'heure... A présent, je ne sais plus rien.
Il y eut un silence.