— Arrêtez avec votre Dieu, dit Alfonso.
— Mon combat est aussi le vôtre, mon vieux. Nous sommes dans la même galère.
— Tout combat se termine par la mort de quelqu'un ou par celle de sa liberté.
— Alors il faut vivre sans se battre ?
— Il faut vivre avec la pensée, Jimenez, c'est notre seule supériorité sur le monde.
— Aïe, aïe, aïe ! Maintenant vous allez citer Pascal ?
— Ses pensées valent bien les vôtres !
— Mais le monde ne pense pas, et nous écrase.
— Alors à quoi sert votre liberté ?
— A lutter contre ce qui m'écrase.
— Si le monde vous écrase, c'est que vous ne pensez pas assez fort.
— Il faut donc vivre en pensant, les bras baissés ?
— On lève les bras pour se rendre.
— Si on les lève trop haut ! Moi, je les mettrai en avant, avec une arme au bout.
— Vous tomberez sur plus fort que vous, et votre liberté sera morte.
— Il n'y a pas plus fort que moi, car ma liberté est totale.
— Alors, vos armes sont inutiles.
Jimenez secoua la tête.
— Vous ne comprenez pas. Si je suis libre, vous l'êtes également, puisque nous partageons le même destin. Mais si vous refusez de m'aider...
— Si vous avez besoin de mon aide, c'est que votre liberté n'est pas totale. Et si vous cherchez à me contraindre, c'est qu'elle est artificielle.
— J'aimerais seulement que vous parliez de vous de votre plein gré.
— Vous aimeriez que je fasse quelque chose de mon plein gré ! N'est-ce pas remarquable ! "Je vous ordonne d'être spontané !" Vous êtes une sacrée graine de tyran, mon vieux !
— Et vous, qui êtes-vous ?
— Je ne souhaite pas parler de moi !
— Pourquoi donc ?
— Vous ne voyez pas que c'est ce qu'IL désire ?
— Pas si vous le faites volontairement.
— Volontairement ! Je sens SA contrainte et la vôtre. Où est ma liberté, à moi ? Je refuse de jouer à ce jeu !
— Dans ce cas, c'est lui qui se jouera de vous.