— Oui ! cria Jimenez. Le diable l’en empêcherait.
Alfonso se mit à rire.
— Pourquoi pas Dieu, pendant que vous y êtes ?
— Taisez-vous donc, dit Jimenez, tremblant. Cessez de le défier.
— Pourquoi donc ? Quel froussard ! Pourquoi cette peur soudaine ?
— C'est trop dangereux ! Vous savez bien qu'il peut transformer la réalité à son gré !
— Dans certaines limites seulement. Il faut que l'ensemble reste cohérent, sans quoi ce serait invivable.
— Quelle importance ? A-t-il seulement l'intention d'y faire vivre quelqu'un ?
— Je l’espère bien... Sinon pourquoi serions-nous ici ?
— Où ça, ici ? Répétez-le donc, pour voir si nous sommes d’accord.
— Eh bien... là où vous avez dit que nous étions.
— Vous aviez l’air d’en douter, et d’attendre le vent du nord…
— Vous vous en tirez par une pirouette ! Pourquoi ces fauteuils ne seraient-ils pas dans une salle à manger ou un bureau ?
— Chez lui, les fauteuils sont dans le salon.
— Dieu vous a déjà invité à prendre le thé ?
— Désopilant, Alfonso ! Nous sommes dans un salon parce qu'il y a deux fauteuils et qu'il est dénué de toute imagination.
— Un dieu sans imagination... Je comprends de moins en moins.
— C'est pourtant simple : on n'invente bien que ce qu'on connaît déjà.
— Et alors ?
— La création n'existe pas. Un écrivain porte en lui tous ses personnages. Dieu lui-même a créé l'homme à son image, parce qu'il n'avait aucune imagination.
—
Non :
parce qu'il était bouffi d'orgueil.