Je saisis la main tendue, sentant sans aucune surprise la tiédeur vivante des doigts rosés. J'avais oublié les paradoxes de l'illusion ; ce n'était plus une illusion pour moi, mais la réalité même. Il me sembla que je suivais la fille, et en vérité je me persuadai que je la suivais réellement, marchant sur la terre moussue qui cédait légèrement sous mes pas, tandis qu'elle n'y laissait presque pas d'empreintes.
Je baissai les yeux, remarquant que je portais moi-même une tunique d'argent et que mes pieds étaient nus. Au même instant, je sentis sur mon corps une brise légère et sous mes pieds une impression de mousse et de terre humide.
— Galatée, dit ma voix. Galatée, où suis-je ? Quelle langue parles-tu ?
Elle se retourna en riant.
— Tu es à Paracosma, voyons ! Et c'est notre langue.
— Paracosma, murmurai-je. Para... cosma !
Des fragments de grec vieux de vingt ans me revinrent curieusement en mémoire.
Paracosma ! La terre-au-delà-du-monde !
Galatée me regardait, les yeux brillants.
— Est-ce que le monde réel te semble étrange, après ton pays des ombres?
— Monde réel, pays des ombres ? répétai-je, ahuri. C'est ce pays qui est une ombre, pas le monde d’où je viens !
Le sourire de la jeune fille se fit ironique.
— Pouf ! fit-elle avec une moue ravissante. Alors tu doutes encore, et je suppose, dans ce cas, que c'est moi le fantôme, et pas toi ? Est-ce que j'ai l'air d'un fantôme ?
Que devais-je lui répondre ? Qu’elle était bien réelle et que j’y croyais, ou qu’elle n’était qu’un fantôme ?