Un petit bois apparut devant nous, non point composé des arbres géants de la forêt, mais d'arbustes portant des fleurs et des fruits aux teintes iridescentes ; il était traversé par un étroit ruisseau chantant. Là se dressait un bâtiment de marbre, une maison basse recouverte de plantes grimpantes, avec de larges fenêtres sans carreaux.
Nous foulâmes un sentier de cailloux brillants, jusqu'à l'entrée en plein cintre, et là, sur un banc de pierre sculptée, se tenait un homme à la barbe grise et à l'allure de patriarche.
Galatée s'adressa à lui dans une langue musicale qui me rappela la mélodie des fleurs ; puis elle se retourna.
— Voici Laocôon, dit-elle tandis que le vieillard se levait de son banc et s'adressait à moi dans ma langue :
— Nous sommes heureux, Galatée et moi, de t'accueillir, car les visiteurs sont un plaisir bien rare ici, et ceux de ton pays d'ombres plus rares encore.
Je balbutiai un remerciement, et le vieil homme hocha la tête avant de se rasseoir sur le banc sculpté. Galatée entra dans la demeure, de son pas dansant ; après un instant d'hésitation, je m'assis sur un autre banc.
Mes pensées tourbillonnaient dans une turbulence perplexe. Tout cela n'était-il vraiment qu'illusion ? Etais-je quelque part, dans le monde réel, ce pays des ombres, ou étais-je, transporté par quelque miracle, réellement assis là dans ce paysage enchanteur ? Je caressai le banc : je sentis de la pierre dure, solide, rugueuse au toucher.
— Laocôon, comment saviez-vous que j'arrivais ?
— On me l'a dit, répondit le vieux.
— Qui vous l'a dit ?
— Personne en particulier...
— Mais... quelqu'un a dû vous le dire !
Le Tisserand Gris secoua sa belle tête grave.
— On me l'a dit, tout simplement.
Je cessai cet interrogatoire, heureux pour le moment de savourer la beauté qui m'entourait.
Et puis Galatée reparut, portant une jatte de cristal pleine de fruits étranges. Ils s'entassaient en un désordre coloré, rouges, violets, orange et jaunes.