Je me mis à rire.
— Bien sûr, personne ne sait jamais rien. On reçoit simplement les renseignements que l'on peut par les fenêtres des cinq sens, et puis on devine... Et quand on se trompe, on paie le prix...
Mon esprit était bien clair, à présent, à part un léger mal de tête. J'ajoutai soudain :
— Ecoutez. On peut toujours discuter, dire qu'une chose réelle n'est qu'illusion ; c'est facile. Mais si votre ami Berkeley a raison, pourquoi ne peut-on prendre un rêve et le rendre réel ? Si ça marche dans un sens, ça doit marcher dans l'autre.
La barbiche de mon compagnon s'agita. Une lueur bizarre passa dans ses yeux brillants de farfadet.
— Tous les artistes font cela, murmura-t-il.
Je sentis qu’il devinait que j'avais autre chose à dire, quelque chose qui frémissait au bord de mes lèvres.
— Mmh, d’accord, c'est de l'évasion, ai-je grogné. N'importe qui peut faire la différence entre un tableau et la réalité, ou entre un rêve et la vie réelle.
— Bien sûr, chuchota l'autre, mais plus c'est vrai, mieux cela vaut, non? Et si l'on pouvait rendre un... un rêve très vrai en vérité, que diriez-vous alors ?
— Personne ne peut faire ça !
Les yeux du petit homme scintillèrent étrangement.
— Moi, je le peux ! souffla-t-il.