— Nous sommes en Utopie, dit Jimenez.

— Ah bon ? En avez-vous quelque preuve ?

— Voyez : nous pouvons aller et venir, dire que nous sommes dans une pièce, avoir des mains ou ne pas en avoir, imaginer n’importe quelle suite...

— Vous êtes effectivement venu vous planter tout à l’heure... Vous êtes peut-être une sorte d’arbre ? Une variété de ficus utopiana ?

— Ensuite je suis allé m'asseoir. Est-ce qu'un arbre s'assied ?

— Pourquoi pas, s’il a des racines à fesses ?

Jimenez se mit à rire.

— Et c'est moi qui divague !

   Quelle conversation passionnante, dit Alfonso.

— Oui, quel temps perdu, Alfonso ! Nous avons peu d'heures à vivre. Au lieu de nous quereller, faisons plutôt connaissance.

— Bien. Je me présente : Alfonso, éléphant parlant échappé du cirque Pinderastra... et je vous informe que j'ai très faim.

— Vous avez très faim ?

Jimenez commençait à s'inquiéter, dans son fauteuil.

— Savez-vous que les éléphants sont friands de ficus ?

— Ce n'est pas vrai !

— Mais si !

— Mais non !

— Mais parfaitement !

— Au secours ! hurla Jimenez.

L’éléphant s'était précipité sur le ficus et ouvrait la bouche pour le dévorer.

— Non ! cria Jimenez, arrêtez ! Je ne suis pas un ficus !

— Vous me tranquillisez, dit Alfonso.

Il lâcha le cou de Jimenez.

— Je ne suis pas non plus un éléphant. En fait, je suis