— Nous sommes en Onirie, dit Jimenez.

— Mais pas du tout ! En tout cas, je refuse d’y être !

— Et pourquoi donc ? Quelle liberté, en Onirie ! Tout est possible, nos rêves n’ont pas de limite. Nous pouvons aller et venir, décider de voyager, partir et…

— Pour aller où ? En Absurdie ? En Utopie ?

— Ne recommencez pas ! Nous allons tourner en rond... Je suis venu me planter devant vous tout à l'heure. J'ai donc des jambes pour me déplacer, un corps avec des bras et des mains, un visage, un sexe...

— Ça faisait longtemps qu'on n'en avait pas parlé, de celui-là.

— On n'en a pas encore parlé. Vous n'en avez peut-être pas, vous ?

— Je préfère ne pas répondre.

— C'est plus prudent !

— Vous êtes effectivement venu vous planter... Peut-être êtes-vous une sorte de flèche ? Une variété parlante de flèche de championnat ?

— Bien sûr, et cette scène est une cible de tir à l’arc. Ensuite je suis allé m'asseoir. Est-ce qu'une flèche s'assied ?

— Pourquoi pas, si elle a un empennage à fesses ?

Jimenez se mit à rire.

— Et c'est moi qui divague !

— Quelle conversation passionnante, dit Alfonso. Dommage que nous n'ayons rien pour l'enregistrer.

— Ne vous en faites pas, il s'en charge, lui, de l'enregistrer. Il écoute, il n'oublie pas un seul détail.

— Il n'écoute pas, il crée. Il n'enregistre pas, il invente. Il nous façonne au fur et à mesure. Il nous donne la vie.

— Il ne nous donne rien du tout ! Je vivais déjà, avant...

— Où cela ? Dans quel monde ? Vous n'aviez rien : vous n'existiez pas. Maintenant vous vivez parce qu'il le veut bien, mais s'il prévoit que vous devez mourir d'un infarctus, hop ! point final : vous voilà mort.

— C'est donc que j'ai un cœur, et que je suis un être humain.

— Ou un navet cardiaque.

— Quel temps perdu, Alfonso ! Nous avons peu d'heures à vivre. Au lieu de nous quereller, faisons plutôt connaissance.

   Bien. Je me présente : Alfonso, je suis l’arc de Robin. Vous savez, celui des Bois.

   Celui des Bois ?

   Ben oui, ne faites pas l’innocent, et j’ai très envie de tirer une flèche…

— Vous voulez tirer une flèche ?

Jimenez commençait à s'inquiéter, dans son fauteuil.

— Savez-vous que je tire mes flèches très loin ?

— Ce n'est pas vrai !

— Mais si ! Vraiment très loin !

— Mais non !

— Mais parfaitement ! Extrêmement loin !

— Au secours ! hurla Jimenez.

L’arc s'était précipité sur la flèche et s’apprêtait à l’attraper…

— Non ! cria Jimenez, arrêtez ! Je ne suis pas une flèche !

— Vous m’en direz tant, dit Alfonso.

Il lâcha le cou de Jimenez.

— Je ne suis pas non plus un arc. En réalité, je suis