Ils se souvenaient de leur vie, des déserts traversés, de l'ombre des bateaux sur les mers verdoyantes, des forêts sauvages, des jardins aux mille fleurs, des visages d'enfants, des fruits ramassés et offerts, de la musique entendue, des sourires échangés.
Ils s'aperçurent qu'ils étaient seuls, et qu'il restait peu de temps.
Ils s'aperçurent qu'ils étaient moi – je m’aperçus que j’étais eux, et je vis que j'étais seul.
Je m'aperçus qu'ils n'étaient plus là, je vis que le temps était passé, que le port était désert, qu'il fallait prendre la dernière barque, traverser le dernier fleuve, passer la dernière porte, poser le dernier baiser sur la dernière joue.
Le fleuve passé, la porte fermée, la joue absente, il ne resterait plus de moi que l'ombre de moi-même, un éclair sombre, une buée sur un miroir taché, un souvenir à peine vécu, une corolle sur une mer de sang, une aurore qui touchait la rive, un rire lointain, tellement léger.
Mais il le fallait, il fallait partir, prendre, traverser, passer, poser…
Le vent s'effaçait, la plage du souvenir était nue, éternellement lavée par la mer. Derrière la dune le piano résonnait, racontant les notes d’une arietta merveilleuse…
Le silence revint, comme moi, de si loin, dans le fracas de mon armure…