De nouveau, je m'éveillai à l'aube, et encore une fois Galatée apparut, me croisant sur le seuil avec sa jatte de fruits. Elle déposa son fardeau, m'adressa un petit sourire triste et me fit face, comme si elle attendait quelque chose.

- Viens avec moi, Galatée, lui dis-je.

- Où cela ?

- Au bord de la rivière. Pour parler.

Nous descendîmes en silence au bord du bassin. Je remarquai une subtile différence dans le monde qui m'entourait ; les contours étaient diffus, la légère musique des fleurs moins audible, et le paysage lui-même singulièrement instable, mouvant comme de la fumée quand je ne fixais pas mon regard. Et, étrangement, alors que j'avais amené là la jeune fille pour lui parler, je ne trouvais rien à lui dire ; je demeurais plongé dans un silence douloureux, mes yeux ne quittant pas son ravissant visage.

Elle montra le soleil rouge montant au zénith.

- Si peu de temps, murmura-t-elle, avant que tu retournes dans ton monde de fantômes. J'aurai... du regret... Chère ombre, souffla-t-elle en effleurant ma joue du bout de ses doigts.

- Suppose, dis-je d'une voix mal assurée, suppose que je ne reparte pas. Que je ne veuille pas partir ? Je ne partirai pas ! criai-je brusquement. Je vais rester !

La paisible tristesse de la jeune fille me calma soudain ; je sentis l'ironie de cette lutte contre l'inévitable progression d'un rêve. Elle parla d'une voix très faible :

- Si je faisais les lois, tu resterais. Mais tu ne peux pas, cher coeur. Tu ne peux pas !

Oubliées, les paroles du Tisserand Gris...

- Galatée !