Galatée ne cessait de rire de mes étonnements, et Laocôon lui-même se permit un sourire gris.

Finalement, je jetai la coque du dernier fruit dans le ruisseau qui passait tout près, et elle dansa vivement, courant vers la rivière.

— Galatée, ne vas-tu jamais en ville ? demandai-je. Quelles villes trouve-t-on à Paracosma ?

— En... ville ? Qu'est-ce donc que des villes ?

— Des endroits où les gens vivent très près les uns des autres.

— Ah ? fit-elle en fronçant les sourcils. Non, il n'y a pas de villes, ici.

— Mais alors, où sont les autres habitants de Paracosma ? Vous devez bien avoir des voisins !

Elle parut surprise.

— Un homme et une femme vivent par là-bas, dit-elle en désignant une lointaine chaîne de collines bleues à l'horizon. Très loin… J'y suis allée une fois, mais Laocôon et moi préférons la vallée.

— Etes-vous seuls dans cette vallée, Laocôon et toi ? Où... Que sont devenus tes parents ? Ton père et ta mère ?

— Ils sont partis. Par là-bas... vers le lever du soleil. Ils reviendront un jour.

— Et s'ils ne revenaient pas ?

— Voyons ! Qu'est-ce qui pourrait les en empêcher ?

— Je ne sais pas, des bêtes sauvages…

Elle se mit à rire.

— Il n’y en a pas, à Paracosma.

— Ou… un quelconque empêchement, la maladie, une inondation, une tempête, des hors-la-loi…

— Je n'ai jamais entendu ces mots, répliqua Galatée. Ces choses n'existent pas ici... Des hors-la-loi ! s'exclama-t-elle avec un petit reniflement de mépris.

— Ni même... la mort ?

— Qu'est-ce que c'est, la mort ?

— C'est... Eh bien, c'est comme... s'endormir et ne jamais se réveiller. C'est ce qui arrive à tout le monde à la fin de sa vie.

— Je n'ai jamais entendu parler de la fin de la vie ! déclara Galatée, l'air ahuri. Ça n'existe pas !

— Que se passe-t-il alors, quand on devient vieux ? insistai-je.

— Rien, voyons ! Personne ne devient vieux, à moins de le vouloir, comme Laocôon. Une personne atteint l'âge qu'elle préfère, et puis n'en bouge plus. C'est une loi !