- Ma mère a violé une loi, répondit la jeune fille d'une voix sans timbre. C'est le chemin inévitable de l'affliction... Elle a... elle est tombée amoureuse d'un fantôme ! Un de ta race d'ombre, qui est venu et qui est resté et puis qui a dû repartir. Alors, quand l'amant qui était prévu pour elle est venu, il était trop tard ; comprends-tu ? Pourtant elle a fini par s'incliner devant la loi, et elle a dû s'éloigner d'ici ; elle est à jamais malheureuse, elle erre dans le monde, de lieux en lieux...
Elle se tut un instant, puis :
- Jamais je ne violerai une loi ! lança-t-elle d'un air de défi.
Je lui pris la main.
- Je ne voudrais pas que tu sois malheureuse, Galatée. Je te veux toujours heureuse.
Elle secoua la tête.
- Mais je suis heureuse, dit-elle, avec un sourire tendre et nostalgique.
Nous rentrâmes en silence. Les ombres des géants de la forêt franchirent la rivière, quand le soleil disparut derrière eux. Pendant un moment, nous marchâmes main dans la main, mais en atteignant le sentier de cailloux brillants près de la maison, Galatée s'arracha à moi et partit en courant. Je la suivis, aussi vite que je pus ; quand j'arrivai, Laocôon était assis sur son banc près du portail, et Galatée attendait sur le seuil. Elle me regarda approcher, et je crus de nouveau voir briller des larmes dans ses yeux.
- Je suis fatiguée, dit-elle, et elle disparut dans la maison.