Et, de nouveau, son regard s'emplit de tristesse.

— Quelle est cette chanson ? demandai-je.

   Elle était chantée par une autre Galatée, qui était ma mère.

— Je ne comprends pas. Ce vieil homme, Laocôon, ne m’a-t-il pas dit que ta mère s’appelait Doris ? N’était-elle pas la fille d’Océan et de Téthys ?

— Quelle importance ? Elle était ma mère, c’est tout ce qui compte.  

Elle me fixa de ses yeux tristes.

— Les noms sont-ils si importants ? Celle à qui tu penses encore, me dit-elle très doucement, celle que tu crois voir à travers moi, s’appelait-elle vraiment Galatée ?

Voyant mon trouble, elle posa une main sur mon bras.

— Je vais te traduire cette chanson, dit-elle, et elle chanta :

 

La rivière s'écoule, de fougères en fleurs                             Bien trop loin dans le temps, au murmure enjôleur

De fougères en fleurs elle murmure son chant,                   Au murmure enjôleur répondant vainement,

Elle murmure son chant de retour, de bonheur,                  Répondant vainement, les fleurs chantent en choeur,

De retour, de bonheur bien trop loin dans le temps.           Les fleurs chantent en choeur : Mais la rivière ment !

 

 

Sa voix se brisa sur les notes finales ; le silence tomba, à peine rompu par le chant cristallin de l'eau. Je ne percevais plus la musique des fleurs.

— Galatée...

Elle avait le regard perdu, les yeux noyés de larmes. Je soufflai :

— C'est une triste chanson, Galatée. Pourquoi ta mère était-elle triste ? Ne disais-tu pas que tout le monde est heureux à Paracosma ?