— Galatée, as-tu déjà connu l’amour ?

Elle me considéra gravement.

— Dois-je vraiment te répondre ? Ne peux-tu le comprendre, le sentir par toi-même ?

— Je… je ne sais pas. J’ignore qui tu es vraiment.

   Moi aussi, j’ignore tout de toi. Mais je ne me pose pas toutes ces questions.

— Comment vis-tu ? Quels sont tes rêves, tes craintes ?

— Je vis avec le jour qui passe, la rivière, les fruits. Je vis avec mes danses et mes chansons.

— Es-tu heureuse ?

— Bien sûr ! Tout le monde n’est-il pas heureux ? Toi-même, es-tu heureux ?

— Je ne sais pas, avouai-je. J'aimerais tant...

Je m'interrompis. Qu’est-ce que j’aimerais ? Qu’est-ce que je désirais, vraiment ?

N’étais-je pas en train de parler à une illusion, un rêve, une apparition ?

Je contemplai la jeune fille, ses cheveux d'or lustrés, ses yeux, sa douce peau claire et alors, pendant un instant tragique, je tentai de sentir la terre, le sol, le vent, d'entendre les bruits de l'endroit réel où je devais me trouver, quelque part au pays des ombres... et je ne le pus. Je souris ; je tendis une main pour effleurer son bras nu et elle me regarda un instant, surprise et sérieuse, avant de se lever d'un bond.

— Viens donc ! Je veux te montrer mon pays !

Elle partit en courant le long du ruisseau, et je la suivis à regret.